Dans cet « article”, je vais vous parler des petits mangeurs (picky eater), de leurs comportements à table et des facteurs internes et externes qui influencent leur relation à l’alimentation. L’objectif ? Vous donner des clés concrètes pour mieux les accompagner lors des repas.
Les repas en famille sont bien plus que de simples moments pour se nourrir. Ce sont des instants de partage, d’apprentissage, et de convivialité. Mais quand l’alimentation sélective ou le refus alimentaire s’invitent à table, ces moments peuvent rapidement devenir synonymes de tensions et de stress pour les parents. Ce plaisir, censé nourrir la relation à l’alimentation, peut alors se transformer en source de conflits et compromettre l’installation d’une relation saine avec la nourriture pour le futur adulte en devenir.
Picky Eating, Néophobie, Troubles : On Fait le Point !
En France, on parle souvent de petits mangeurs (en anglais picky eater), mais aussi de néophobie alimentaire ou encore de troubles de l’alimentation pédiatriques (TAP). Pas facile d’y voir clair ! Alors, avant d’agir, il est essentiel de comprendre de quoi on parle.
Voici un tableau pour différencier ces termes et éviter les confusions qui mènent parfois… aux mauvaises solutions !
Caractéristiques |
Néophobie Alimentaire |
Picky Eating (Alimentation Sélective) |
Trouble de l’Alimentation Pédiatrique |
Définition |
Refus ou peur de goûter des aliments nouveaux |
Refus de manger certains aliments, connus ou non, basé sur préférences, textures, couleurs, etc. |
Perturbation sévère de l’alimentation avec impact sur la santé, la croissance ou la vie sociale |
Âge typique d’apparition |
18 mois – 6 ans (phase développementale normale) |
2 – 6 ans souvent, mais peut persister |
Peut débuter dès le début de l’alimentation, les premiers jours de vie |
Cause principale |
Peur instinctive de la nouveauté alimentaire |
Facteurs sensoriels, comportementaux, tempérament, environnement |
Facteurs sensoriels, médicaux, psychologiques, neurodéveloppementaux |
Aliments refusés |
Uniquement les nouveaux aliments ou ceux que l’enfant n’a pas pu explorer |
Aliments nouveaux et familiers |
Grande variété d’aliments refusés, parfois groupes entiers (textures, couleurs, consistances) |
Impact sur la santé |
Aucun si alimentation de base suffisante |
Rarement, sauf si très sélectif |
Oui : carences, retard de croissance, dénutrition, conséquences psycho comportementales |
Impact sur la vie sociale/familiale |
Faible ou modéré |
Modéré : repas adaptés, frustrations ponctuelles |
Élevé : conflits, isolement social, angoisse autour des repas |
Durée |
Transitoire (phase normale si < 6 ans) |
Peut durer, mais souvent améliorable avec l’accompagnement |
Chronique sans prise en charge adaptée |
Comportements typiques |
Refus systématique des nouveautés, méfiance |
Sélectivité marquée, préférences rigides, refus selon apparence, texture, etc. |
Refus massif, peur ou dégoût, possible nauséeux et vomissements évitement des repas, crises possibles |
Croissance et poids |
Normaux |
Normaux dans la majorité des cas |
Souvent altérés (retard staturo-pondéral, carences) |
Besoin de prise en charge |
Non, sauf si persistance excessive |
Oui si cela devient envahissant |
Oui, prise en charge pluridisciplinaire nécessaire |
Exemples |
Refus de goûter un aliment inconnu (ex : “Je ne veux pas goûter ce légume, je ne le connais pas”) |
Refus de manger des pâtes parce qu’elles sont “trop collantes” ou n’accepte que des aliments blancs |
Mange uniquement 3 aliments, refuse toute texture nouvelle, vomissements ou angoisse à table |
Lien avec troubles sensoriels |
Parfois (méfiance sensorielle face au nouveau) |
Souvent (hyperréactivités sensorielles) |
Très fréquent (hyperréactivités majeures) |
Exemples de diagnostic associé |
Aucun (phase normale si modérée) |
Aucun, mais peut être un signal d’alerte |
ARFID, Troubles du développement, TSA, TDAH |
Pourquoi Mon Enfant Refuse-t-Il de Manger ?
Non, les difficultés alimentaires ne sont pas des caprices. Ce n’est ni un défi lancé aux parents, ni une volonté de dominer l’adulte. Être un “petit mangeur”, c’est souvent le résultat d’une combinaison de :
• Facteurs internes : hyperréactivité sensorielle (goût, odeur, texture), tempérament (rigidité, émotion importante face au changement), antécédents médicaux (prématurité, troubles du développement…).
• Facteurs externes : environnement familial, pratiques éducatives, expériences passées, contexte émotionnel.
L’important ? Ne pas chercher de coupable. Comprendre ces mécanismes permet surtout d’éviter les pièges classiques : pression à manger, récompenses alimentaires, menaces… Toutes ces stratégies, même bien intentionnées, aggravent souvent la situation.
Les Facteurs Internes : Quand les Sens et le Caractère S’en Mêlent
Chaque enfant perçoit le monde à sa manière. Certains sont naturellement plus sensibles aux textures, aux odeurs, aux goûts. Pour eux, goûter un aliment peut être une véritable épreuve sensorielle. S’ajoutent parfois des traits de personnalité comme la rigidité ou l’anxiété, qui renforcent cette sélectivité.
Rappel essentiel : ce ne sont pas des défauts, mais des caractéristiques qui demandent une approche bienveillante et adaptée.
Les Facteurs Externes : Le Poids de l’Environnement
Le contexte familial joue un rôle énorme. Des pratiques comme forcer à goûter, utiliser le dessert comme récompense ou instaurer un climat tendu à table peuvent ancrer durablement les comportements de refus alimentaire.
À l’inverse, certaines attitudes protègent :
• Des repas partagés sans pression. On va tenter, de garder un esprit de découverte et non de performance à mettre en bouche et à avaler.
• Impliquer l’enfant dans la préparation des repas. il y a naturellement moins de stress lors de la préparation, ce qui va permettre à l’enfant d’être plus enclin à découvrir les aliments. C’est même parfois le juste moment pour manger en dehors des repas tout simplement.
• Respecter ses signaux de faim et de satiété. L’enfant va mettre du temps à comprendre ce qu’il ressent intérieurement. Au début la faim et la satiété, se manifestent par des émotions intenses (de la colère, des pleurs…), on va pouvoir le verbaliser à l’enfant pour qu’il associe la sensation interne à un besoin physiologique. De la même façon, on respectera quand l’enfant ne veut pas continuer le repas.
• Proposer des aliments variés sans attendre une bouchée “miracle”. L’enfant peut manger une fois un aliment et ce n’est pas pour autant qu’il va le remanger plus tard. Une expérience reste une expérience, chaque pas va l’amener à une situation plus sereine.
Le Cercle Vicieux du Stress à Table
Quand l’alimentation devient un combat quotidien, les parents tombent dans un engrenage : repas multiples, inquiétude pour la croissance, adaptation excessive, frustration… Résultat : stress parental grandissant, qui renforce la résistance de l’enfant. Les réponses au stress sont nombreuses mais ne vont jamais dans le sens de l’exploration alimentaire.
Et tant que les parents ne sont pas outillés, ce cercle vicieux continue. Ce n’est pas aux familles de “deviner” comment réagir : il faut des outils concrets, accessibles. Les parents ne peuvent attendre d’arriver en consultation pour connaitre les bonnes attitudes et les bons outils (surtout avec des listes d’attente interminables !).
Pas de Solution Magique, Mais des Pistes Puissantes
Les assiettes ludiques ou les fourchettes colorées sont des outils intéressants seulement si l’attitude qu’on va avoir en les proposant est porteuse de découverte. Ce n’est pas une solution miracle. Ce qui fonctionne, c’est une compréhension fine des besoins de l’enfant.
Voici quelques clés simples mais efficaces :
1. Respecter le rythme : Il faut parfois 10, 15… voire 20 expositions avant qu’un enfant accepte un aliment. Téléchargez l’économie de jeton gratuit ECONOMIE JETONS découvrir et suivre ces petites victoires !
2. Valoriser l’exploration sensorielle : Toucher, sentir, regarder… Ce n’est pas “rien”, c’est déjà énorme ! Mais attention sans aucun attente de mise en bouche et d’avaler
3. Impliquer l’enfant : Au marché, en cuisine… Plus il manipule les aliments hors contexte du repas, plus il apprivoise.
4. Créer un climat serein : On oublie les phrases comme “Fais plaisir à mamie”, “Mange pour être grand”, ou “Un haricot pour la santé”. On mange pour se faire plaisir, tout simplement.
5. Montrer l’exemple : Les enfants sont des éponges. Mangez varié, explorez, et laissez-les vous observer comment vous faites pour croquer, sentir, savourer. On mange la bouche ouverte, on exagère sa façon de mâcher et on fait le plus de bruits possibles pour croquer.
Le Rôle des Pros : Plus que des Consultations, des Solutions du Quotidien
Les ergothérapeutes et autres pros de santé sont essentiels, mais l’accompagnement ne doit pas se limiter aux murs d’un cabinet. C’est pourquoi je propose sur mon site des outils accessibles à tous : parents comme professionnels.
Il ne s’agit pas de “corriger” l’enfant, mais de créer un environnement propice à l’exploration alimentaire, sans pression ni objectif de performance.
En Conclusion : La Découverte Alimentaire, Un Chemin… Pas Une Course
Manger, c’est une compétence qui se construit jour après jour. Nos goûts évoluent avec nos expériences. Laissez du temps à vos enfants, soyez leur guide, pas leur juge.
Rappelez-vous : chaque bouchée refusée aujourd’hui peut être une découverte demain.
Si cet article vous parle, partagez-le autour de vous. Trop de parents culpabilisent encore face à ces situations. Ensemble, faisons passer le message : le plaisir de manger se construit avec bienveillance, pas avec pression.
Et pour aller plus loin, découvrez mes outils gratuits et mes programmes d’accompagnement sur le site Ergomums.
Source: Picky Eating in Children: A Scoping Review to Examine Its Intrinsic and Extrinsic Features and How They Relate to Identification Laine Chilman 1,* , Ann Kennedy-Behr 1,2 , Thuy Frakking 3,4, Libby Swanepoel 1 and Michele Verdonck 1