La position W chez l’enfant : faut-il s’en inquiéter ?

Ergothérapie

La posture en « W » est régulièrement observée chez les jeunes enfants et suscite de nombreuses questions chez les parents comme chez les professionnels de la petite enfance. Est-elle préoccupante pour le développement moteur ? Comporte-t-elle des risques médicaux ? Voici une synthèse des connaissances scientifiques actuelles.

Qu’est-ce que la position « W » ?

La position W est une posture d’assise où l’enfant est au sol. Les genoux sont fléchis et tournés vers l’avant, les jambes placées de chaque côté du bassin, avec les pieds vers l’extérieur.

C’est une posture fréquemment adoptée par les enfants pendant le jeu, notamment entre 2 et 5 ans. Sa popularité a toutefois généré de nombreuses inquiétudes. On entend et on peut lire beaucoup de choses sur le sujet : est-elle réellement problématique pour le développement moteur ou orthopédique de l’enfant ? Est-ce-qu’il faut consulter pour intégrer les réflexes et la faire disparaître.

Effets orthopédiques à long terme : que dit la science ?

Pendant longtemps, on a suspecté la posture en « W » de provoquer ou favoriser des troubles orthopédiques, notamment des dysplasies ou des luxations de hanche. Pourtant, aucune étude scientifique solide ne confirme cette hypothèse.

L’International Hip Dysplasia Institute (IHDI) précise que la position en W est une variation posturale normale chez de nombreux enfants. Une étude de suivi a même comparé des adolescents ayant fréquemment utilisé cette position à ceux qui ne l’avaient jamais adoptée : aucune différence significative sur le plan orthopédique n’a été observée.

La rotation interne naturelle du fémur diminue progressivement avec l’âge, ce qui rend la posture W moins accessible et moins confortable au fil des années. Elle disparaît donc d’elle-même dans la plupart des cas.

Concernant les genoux et les chevilles, certaines craintes ont été exprimées à cause de la rotation interne du genou et de l’inversion des pieds en position W. Mais aucun lien de cause à effet n’a été établi entre cette posture et des anomalies durables des membres inférieurs.

👉 En résumé, en l’absence de pathologie sous-jacente, une posture en W prolongée n’induit pas de déformations ou de troubles orthopédiques avérés.

Développement moteur : quelles implications ?

La posture en W offre une grande stabilité, ce qui peut être rassurant pour certains enfants mais aussi faciliter la position assise pour d’autres qui ont un tonus postural limité. En réduisant les déséquilibres au niveau du tronc, elle permet à l’enfant de se concentrer davantage sur le jeu, sans solliciter intensément sa musculature posturale (abdominaux et dorsaux).

C’est pourquoi les enfants ayant un tonus postural faible ou une instabilité préfèrent parfois spontanément cette posture.

Cependant, l’utilisation exclusive de cette posture peut limiter certaines expériences motrices :

Moins de rotation du tronc

Moins de dissociation bassin/tronc

Moins de transferts de poids d’un côté à l’autre

Moins d’exploration vers le quatre pattes

Moins d’apprentissage des réactions de protection (réflexes parachutes)

👉 Les professionnels de la rééducation (ergothérapeutes, kinésithérapeutes, psychomotriciens) recommandent donc de favoriser la variété posturale, non par crainte de déformation, mais pour stimuler l’équilibre, la coordination, la motricité globale et le tonus musculaire.

 

La posture W et les réflexes archaïques : un lien possible ?

Certains évoquent un lien entre la position W et la persistance de réflexes archaïques non intégrés, comme :

Le réflexe tonique du cou symétrique (RTCS): il est présent chez le nourrisson. Il se déclenche naturellement lors d’une rotation de la tête d’un côté, ce qui entraîne une réponse asymétrique du corps.

Le réflexe tonique labyrinthique (RTL): il est lié à la position de la tête dans l’espace qui va avoir une influence sur le tonus musculaire global. La tête en extension va entrainer un tonus des extenseurs de manière générale. La tête en flexion, va entrainer un tonus fléchisseur généralisé, le corps se recroqueville.

Ces réflexes, présents chez les nourrissons, doivent s’intégrer au cours du développement (notamment vers 4-6 mois). Leur persistance pourrait impacter la posture, l’équilibre, ou la coordination.

Toutefois, aucune étude clinique n’a démontré un lien direct de cause à effet entre la position « W » et la non-intégration de ces réflexes. Ce qu’on peut dire, c’est qu’un enfant ayant un tonus faible ou une instabilité posturale (facteurs qu’on peut retrouver chez les enfants avec des troubles du développement) peut adopter préférentiellement cette posture pour compenser.

👉 Ainsi, la posture W pourrait être une conséquence, mais pas une cause de certaines particularités neurologiques ou motrices.

Quelle est la prévalence de cette posture selon l’âge ?

La position W est relativement fréquente entre 2 et 5 ans, période où les enfants sont encore très souples et explorent naturellement diverses positions au sol.

Après 6 ans, on observe une diminution progressive de la fréquence de cette posture :

La rotation interne fémorale diminue

L’enfant gagne en tonus et en stabilité

Il passe plus de temps sur des sièges ou autres supports que le sol.

Vers 8 à 10 ans, la posture W devient peu fréquente chez les enfants neurotypiques.

👉 Si la posture W persiste au-delà de cet âge de façon exclusive, ou si elle est associée à une raideur, des douleurs ou des difficultés motrices, un avis médical peut être utile pour écarter une pathologie sous-jacente.

Quelles recommandations aujourd’hui ?

Il n’existe aucune recommandation officielle française ou internationale interdisant la posture W chez l’enfant.

Les sociétés médicales, comme l’American Academy of Pediatrics (AAP) ou l’International Hip Dysplasia Institute (IHDI), s’accordent sur plusieurs points :

La posture W ne nuit pas aux hanches ni aux genoux chez les enfants sans trouble associé

Elle fait partie des postures normales d’exploration et de jeu

Il n’y a pas lieu d’intervenir chez un enfant qui l’utilise ponctuellement dans un développement moteur normal

En rééducation, les professionnels encouragent simplement la variété posturale, sans interdire la posture W, sauf en cas d’exclusivité prolongée ou de signes d’alerte.

En conclusion

✅ La posture W n’est pas pathologique en soi.

✅ Elle fait partie des postures naturelles chez les enfants jusqu’à environ 8-10 ans.

Aucune donnée scientifique n’indique qu’elle cause des déformations orthopédiques, des retards de marche ou des troubles moteurs.

🧠 Ce qu’il faut surveiller :

Exclusivité de cette posture

Refus de changer de position

Asymétries importantes

Raideurs ou douleurs

Chutes à répétition

Dans ce cas, un bilan chez un médecin puis un professionnel de la rééducation peut permettre de mieux comprendre les besoins de l’enfant.

A ce jour, aucune étude de haut niveau (essai contrôlé randomisé ou revu) n’a démontré d’effets délétères de la posture en W chez enfant sain. Les quelques études qui existent sont de bas niveau de preuves et montrent que la posture en « W » quand elle est ponctuelle, n’est pas problématique. Les recommandations de prudence sont issues de bon sens clinnique et du raisonnement fonctionnel, plus que de preuves solides.  

👉 Pour tous les autres : laissez-les explorer, changer de position, jouer… et bouger librement !

 

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📚 Références orthopédiques et développement moteur

1. Rethlefsen, S. A., et al. (2020). “W-sitting and Hip Dysplasia: A Radiographic Study of Pediatric Patients.” Journal of Pediatric Orthopaedics.

2. International Hip Dysplasia Institute. (2020). “W-Sitting and Hip Development.”

3. Seattle Children’s Hospital. (2021). “Femoral Torsion and Intoeing: What You Need to Know.”

 

🧠 Références développement sensori-moteur et tonus

4. Pediatric Therapy Center of Orlando (Arnold Palmer Hospital). (2021). “Why W-Sitting Might Be a Cause for Concern.”

5. Skills on the Hill Therapy. (2019). “W-Sitting and its Impact on Development.”

6. Therapy Works Pediatric Center. (2020). “Is W-Sitting Harming Your Child?”

🧬 Réflexes archaïques (approche clinique – sans preuve directe)

7. OccupationalTherapy.com. (2021). “Understanding Primitive Reflexes: How They Impact Function.”

8. Harkla. (2023). “Primitive Reflexes and Their Impact on Development.”

📊 Prévalence et évolution naturelle

9. American Academy of Pediatrics (AAP). (2020). “Normal Variants in Pediatric Gait and Posture.”

10. D’Astous, J. et al. (2006). “Lower Extremity Rotational Variations in Children.” Orthopaedic Clinics of North America.

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